Ca y est. Cette fois c'est bien fini. J'ai entamé il y a quelques jours la ronde des pots d'adieu. Ana, Inès et MartÌn samedi dernier. Wendy lundi. Mélanie et d'autres mardi. Mes colocs hier.
Très étrange comme sensation. On sait que l'on ne va très certainement jamais se revoir, mais on discute comme si de rien n'était, comme un dernier pieds de nez au temps qui passe. C'est aussi l'effet internet : avec ce nouveau media il n'y a plus de rupture nette et franche : on peut toujours se parler en direct, avec son et image. Seul manque le contact physique.
Parfois les conversations prennent cependant une autre dimension, où l'on se dit des choses que l'on ne se serait jamais dites dans un autre contexte. C'est le seul élément que j'aime bien, dans les départs, ce soudain rapprochement des gens, quand le temps presse. Quand on prend furtivement conscience de ce que l'on va perdre sous peu, de ce que l'autre aurait pu continuer de nous apporter, de ce que l'on aurait pu faire ensemble... Du rôle que l'autre joue pour nous, ou que l'on joue pour lui. Des gens qui comptaient vraiment, et de ceux qui comptaient moins. Le départ révèle beaucoup de choses, c'est pour cela qu'il est beau. On regrette de partir si vite alors qu'il reste tant de chose à faire.
´ Ah, si j'avais su "...
Mais on le savait très bien !

Et puis il va falloir y aller. On ferme la dernière valise. On jette un dernier coup d'úil rapide pour voir ce que l'on est en train d'oublier. Cela ne sert à rien de toute façon, on s'en rendra compte bien assez tôt, à peine assis dans l'avion.
Les colocs interrompent leurs activités pour une dernière accolade un peu plus maladroite que les autres. On se promet qu'on s'écrira, qu'on gardera contact. Bien sûr que j'irai vous rendre une petite visite à Bogota... L'avenir dira si ces promesses seront tenues. En général ce n'est pas moi qui les romps. On dit un peu n'importe quoi, plus pour combler le silence pesant qui vient de tomber sur le 11A du 2684 de l'avenue Cordoba qu'autre chose. Les gorges se serrent, on commence juste à prendre conscience de ce que ce départ implique, quand bien même cela fait plus de 6 mois qu'il est programmé.
Allez, il faut bien se décider à partir. On charge les valises dans l'ascenseur, puis dans le taxi. Dernière blague pour tenter de rompre la tension, puis la porte de l'automobile se referme. Définitivement. Ultimes adieux par la fenêtre pendant les 100 premiers mètres, comme je le faisais enfant lorsque j'allais voir mes grands parents. Puis le taxi prend une rue perpendiculaire et je les perds de vue. Boule dans la gorge, noeux dans l'estomac. Peut-être une petite larme, censurée à la sortie des yeux.
Puis les préoccupations concernant la suite du voyage prennent le dessus. Prendre la navette vers l'aéroport, ne pas arriver en retard... Faire peser ses valises en croisant les doigts (ce qui ne les rendra cependant pas plus légère... Je vous conseil plutôt de pratiquer vos pouvoirs jedi si vous voulez réellement faire quelque chose.). Et ce sera le retour en France.
Cela me fait un peu peur en fait. Retour en voiture avec mes parents, depuis Paris. Bon, qu'est ce que je dis... Par ou je commence... Un an de votre vie à raconter, vous résumez ça comment vous ? Les rencontres, les expériences, les apprentissages... Et je vous parle de mes parents, pas de tous les amis ou connaissances qui me poseront encore, et encore, et encore cette même question : ´ Alors, l'Argentine*, c'était comment ? ". Pfff... Mais qu'est ce que vous voulez répondre à ça ? En cinq minutes, même pas... Alors je vais tomber dans la facilité. Ressortir des clichés, tomber dans la banalité. Ou pas. Mais ma vraie réponse ne sera pas celle qu'ils attendent... et je ne pense pas avoir le courage de devoir sans cesse développer mon point de vue, pour une question parfois plus de l'ordre de la politesse que du réel intérêt. Si tu voulais vraiment savoir fallait lire mon blog, t'avais l'adresse. En plus je ne suis pas bavard, je ne prends généralment pas plaisir à parler, surtout de moi. Je préfère écouter. Cela peut paraître étrange, vue la longueur des textes que je vous mets en ligne. Mais l'écrit est différent de l'oral. Plus froid. Plus contrôlable. D'ailleurs je vous ferai un petit bilan détaillé de ce séjour d'ici peu. Rien que pour vous. Même si il ne sera peut-être pas celui que vous pensez.

Je crois que je n'aurai de toute façon pas trop le temps de réfléchir lors de mon retour : une semaine d'examens à partir de lundi, une semaine pour trouver un appartement à Paris et zou, on the road again pour débuter mon stage parisien le premier août, date de mon anniversaire. Sur mes six derniers anniversaires je n'en aurai passé qu'un seul à Grenoble et juste deux en France. Je ne suis plus à ça près... Bref, le temps va filer à toute vitesse. C'est peut-être la meilleure façon de rentrer. On est replongé tout de suite dans le bain, dans la réalté.
Ce n'est pas forcément la meilleure façon de partir par contre, puisque la préparation de mes examens m'aura pris énormément du temps que j'aurais voulu consacrer aux gens que je quitte. Mais c'est de ma faute, j'aurais dû mieux m'organiser.

Ceci dit, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : même si la France va me paraître infiniment ennuyeuse, avec tous ces gens parlant français (quel manque d'originalité non ?) je suis content de revenir. De revoir les gens que j'aime. De pouvoir continuer d'avancer, en quittant cette fois pour de bon mon statut d'étudiant pour rentrer dans la vie active. Pouvoir me poser à un endroit et commencer à construire des projets. Bref, je suis content de revenir. Mais je voudrais rentrer directement la deuxième ou troisième semaine.
C'est tout ^-^

Et quand l'heure du départ fut proche:
- Ah! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.

Le Petit Prince - chapitre 21

* le regard de la personne est ici important, afin de savoir quel sens donner au mot ´ Argentine ".